Pour la Noël, je vous présente un conte écrit par Léo Lévesque, un homme qui a passé plusieurs années de sa vie en prison. La lecture de son texte et les effets « joualisant » de son écriture vous feront saisir plus justement l’ambiance de son histoire.
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Le texte, intitulé Amaryllis, fut récité en 1995 par Robin Aubert sur les planches de la Licorne, dans le cadre des Contes Urbains. Âmes sensibles s’abstenir. Ça va comme suit :
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AMARYLLIS de Léo Lévesque
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Moé, j ‘voudrais vous parler d’un p’tit cul d’mon boutt qu’y est allé au pen pour une histoire de hash.
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Moé, j ‘voudrais vous parler d’un p’tit cul d’mon boutt qu’y est allé au pen pour une histoire de hash.
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Y s’appelait Bob, pis y a grimpé là-bas avec deux ans à faire.
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C’est vrai que quand y l’ont arrêté, y a sauté sur un bœuf. Mais tabarnack . . . Quand à quatorze ans y en a colissé une bonne dins dents à son père : « Tu toucheras pu jamais à ma mère toé ! », ça y avait fait un choc au bonhomme. Mais l’vieux s’était pas mis à l’cogner à tour de bras comme les bœufs l’ont faite, en plus de l’faire monter au pen, pareil à un dangereux qu’y faut faire râler.
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En tout cas, quand y est sorti d’là-bas, y m’a raconté c’qui faisait, qu’y avait pu d’rêves dans tête. Que d’fumer un joint, c’tait pu rien pour lui. Qu’astheure, y avait besoin d’une aiguille dans l’bras pour s’réchauffer.
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Là-bas, y avait faite son temps à haute voltige. Dans l’gros rush d’l’adrénaline : quecqu’chose qui s’coue assez fort, qu’les cellules du cerveau viennent s’tapocher dans l’front du crâne, comme des bons coups d’marteau.
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Quand l’p’tit Bob est entré au pen, y avait rien qu’dix-huit ans. Pis y connaissait pas un criss de chat dans c’te grande arène de combat. Y a vite senti qu’y fallait qu’y fasse de quoi, c’tait pas le temps d’essayer de s’cacher. Pis, de toute manière, c’tait pas l’genre à s’pousser : y était peut-être pas grand, ni gros, mais y était fier.
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Ç’a faite que Bob, déniaisé comme y était, y a approché un gars : un ancien champion qui déplaçait encore ben d’l’air. L’boxeur a r’gardé Bob dins yeux. Y a eu un silence qui r’semblait à l’épaisseur des murs : c’tait toute la protection du p’tit Bob qui s’trouvait dans c’te réponse là.
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Mais Bob s’t’aperçu que même si y s’déchaînait avec un poids lourd, ça empêchait pas d’faire rêver les loups. L’champion voulait ben y donner un coup de main, mais d’là à livrer des combats avec la meute.
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Ç’a faite qu’ç’a pas pris d’temps pour qu’un gars qui s’faisait appeler Tarzan le spotte. C’te gars-là, y avait passé ben des années au pen. Pis lui son trip, c’tait d’pogner des p’tits jeunes.
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Y était rare l’prisonnier qui aurait voulu l’affronter. Même les plus durs osaient pas trop d’essayer de l’tasser parce qu’en plus, y avait sa traînée qui s’accrochait après sa grosse queue d’rat. Pis parce qu’y avait arraché avec son doigt, devant tout l’monde, à ciel ouvert, l’œil d’un screw. Pis qu’y avait eu sept coups d’strappe sans chiâler ni brailler, y s‘était cru l’roi du pen.
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Quand Tarzan a passé à strappe, y d’vait y avoir une cinquantaine de screws avec le directeur pis sa p’tite gang. On y avait couvert la tête avec une cagoule noire pour pas qu’y voye qui allait l’frapper. Pis on y avait attacher les bras d’chaque côté du ch’valet. .De même, plié en deux, y avait les fesses ben r’levées. Un docteur faisait partie d’la gang aussi : au cas où Tarzan perdrait connaissance. Mais tout au long d’la cérémonie, y est resté ben réveillé, y a même pas chigné.
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Ç’a frosté tout l’monde : on avait jamais vu ça. L’directeur l’a fait envoyer au trou, au pain pis à l’eau, pendant un mois. Pis y a été isolé un gros deux ans, à 23 heures de cellule par jour. Malgré tout ça, quand y est r’venu, y continuait à vouloir son territoire. Y s’était décroché une job sur les sports : comme ça, y pouvait s’déplacer n’importe où dans prison. Pis les screws en avaient assez peur qu’y s’fermaient les yeux ben tight.
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Après toutt, y faisait juste scrapper la vie de p’tis côlisses de pas bon.
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En tout cas, ç’a pas pris une traînerie pour que Tarzan surgisse devant la cellule du p’tit Bob. Y l’a pogné par la gorge pis y l’a obligé à s’mettre à genoux,. Y a faite vivre tous les cauchemars l’gros tabarnack de bâtard. Y a enfoncé sa graine molle dans la bouche, l’p’tit Bob écumait comme si l’coeur allait y sortir.
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Pis Tarzan l’a r’levé par les ch’veux pour y maudire des bonnes claques su la yeule. Pis y a effouerré la face dins barreaux. Bandé comme l’acier, y s’est enfoncé. Le p ‘tit Bob r’tenait, tout en grimaces, coincées dans sa gorge, les brûlures qu’y entendait hurler dans son corps. Pareil à une femme qui s’fait violer, l’sang dégoulinait entre ses jambes comme s’y l’avait ouvert avec une lame de rasoir.
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Quand le p’tit Bob est sorti du pen, y essayait d’cacher sa misère en s’envoyant toujours en l’air. Mais je l’voyais qu’le ciel y faisait mal pis qu’y avait un mauvais sel qui y ravageait l’fond des yeux.
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L’monde avait jamais été p’tit pour Bob, mais là, quand y a su qu’le gros chien avait été libéré pis qu’y vendait d’la poudre à brasserie du coin … Y est allé drette le voir, pis l’gros l’a fronté.
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Le p’tit Bob y avait faite accroire qu’le jour de Noel y f’rait une grosse passe, pis qui y donnerait un cadeau. Tarzan y a donné tout c’qui avait d’besoin : y aurait jamais pu s’imaginer d’pas être payé. Y pensait qu’le p’tit Bob c’tait encore le s’rin, à genoux d’peur, la bouche ouverte avec les yeux fermés.
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Le p’tit Bob, lui, y savait bien qu’y était pas un tueur. Mais c’te fois-là, y allait faire un effort. Comme de faite, l’gros Tarzan a mordu à l’hameçon. Le jour de Noel y s’est présenté su l’ptit Bob. Quand ç’a sonné, Bob s’est mis à trembler, pis y est allé r’garder dans l’judas.
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Y a aperçu la fraise aussi grosse que la première fois qu’y l’a obligé à l’sucer. Le p’tit Bob s’est r’culé, y a pris son douze à gros plomb d’canon.
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Y a r’tourné voir dans l’judas, l’gros était toujours là. Bob a crinqué son douze, y a r’culé d’trois pas pis y te l’a clanché. Bob a pas pris d’chance, y a glissé une autre balle dans l’canon pis en s’approchant du trou qu’y v’nait d’faire, y a aperçu, dans neige rouge, Tarzan qui s’vidait : y v’nait d’y faire partir la tête.
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Au procès, toute l’histoire a sorti. Mais mon p’tit chum a quand même été envoyé au pen pour la vie. C’est rien qu’huit ans plus tard qu’y en est sorti. Parce qu’avant d’entrer y avait attrapé l’sida. Pis là, à cause qu’y s’mourait, sa mère a réussi à l’faire transférer dans une maison d’not’ boutt qui s’appelle AMARYLLIS.
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C’est l’nom d’une fleur chinoise qui veut dire « enfant abandonné ».
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Quand j’l’ai vu avec ses grands yeux d’lunes rouges encore aussi brillants qu’un lac dans un éclaircie, pîs qu’y m’a pété un sourire en m’pognant à plein bras … Y m’a faite écouter du Éric Clapton pis on s’est aimés comme des fous d’chums qui r’fusent de brailler.
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J’ai su qu’y était parti tranquille dans nuite en dormant.
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Le p’tit Bob est parti mais j’ai voulu faire vivre son histoire, parce que même si c’t’une histoire triste, a reste ben vivante.
Nous avons TOUS une histoire à raconter... c'est bien de le rappeler, car trop souvent nous oublions que nous sommes simplement humains!
RépondreSupprimerla tit'Kriss
Je savais que cette histoire te toucherait, ma p'tite ...
RépondreSupprimerElle me touche aussi, j'en profite ici pour souhaiter un Joyeux Noel a tout les membres de ce Blog et a plus...
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