En reprise ce soir à la télé, le passage du patriarche à "Tout le monde en parle". Le flash me revient et faut que je vous raconte ces quelques minutes où mon visage atteignait le summum de la couleur écarlate dans toute ma ... de vie. Tout est vrai dans cette anecdote, je vous le jure.
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L’incident remonte à la fin des années 70, alors que la photographie noir et blanc me passionnait intensément. Je shootais tout ce qui bougeait avec mon Pentax, je développais mes films en alimentant ma banque de planches-contacts et je tirais de multiples épreuves 8 X 10 dans le labo que mon chum Dag avait aménagé dans une petite pièce de mon logement. Des centaines d’heures à observer avec émerveillement les sels d’argent noircir le papier dans le bac du révélateur.
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Un soir d’été, deux billets m’autorisent à prendre place en plein centre de la deuxième rangée du parterre du TNM pour une prestation de Gilles Vigneault. Le premier référendum sur le point d’être déclenché, le chantre de Natashquan a la cote et son étoile brille tout près du zénith.
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J’ai forcément mon Pentax, armé d'un zoom 85-210 que Dag m’a prêté pour l’occasion. Discrétion oblige, je n’utiliserai pas mon flash. Les spots de la scène et un film hyper-sensible suffiront pour capter l’essentiel de la lumière.
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Le show débute et j’exulte. Seul avec son pianiste, Vigneault chante, parle et raconte comme lui seul sait le faire. Mais moi, je le vois comme nul autre dans la salle. Focale maximum, j’en profite pour cadrer sa figure. Il est tellement près de moi que j’en distingue presque ses plombages. Alors je clique et je clique. Le fond de scène totalement noir me permet de contraster les milliers de gouttelettes de salive qu’il postillonne à la ronde. Je flotte . . .
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Après la sixième ou septième chanson, la tuile est arrivée ! Les deux mains bien appuyées sur les hanches, Vigneault commence à promener son regard dans la salle et improvise ce monologue que je vous rapporte au meilleur de ma mémoire :
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« Il y en a parmi vous ce soir qui ont apporté leur kodak pour ramener des beaux souvenirs à la maison (oups ! je remets mon Pentax sur les genoux). On ne les voit pas parce qu’ils n’ont pas de flash, mais on les entend par exemple. À chaque petit coup d’index sur le piton, ça fait SCHHHLLLAAAKKK ! (je glisse très très discrètement mon Pentax en dessous de mon siège). Pour vous présenter mon spectacle ce soir, il me faut synchroniser environ 5 000 mots avec 25 000 notes de musique. Je n’avais pas prévu les SCHHHLLLAAAKKKS de mes amis photographes ».
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À ce moment précis, j’aurais aimé pouvoir me liquéfier et devenir une simple flaque sur le plancher. Je sais que je suis le seul qui fait des SCHHHLLLAAAKKKS. La salle se bidonne et les voisins immédiats (que mes clics ont sûrement dérangés) applaudissent en m'observant rougir. Même ma Denise est crampée. Et pendant tout ce temps, jamais Vigneault ne m’a pointé du doigt, ni même regardé. Le supplice se poursuit :
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« Ne m’envoyez pas de photos à la maison, j’en ai en masse ! Il me reste une chanson pour compléter la première partie du spectacle. Ça tombe bien, c’est la Danse à St-Dilon. Est ben bruyante celle-là ! Profitez-en pour faire une couple d’autres SCHHHLLLAAAKKKS. Pour la deuxième partie, ben faites-moi plaisir, pis serrez vos kodaks ! ».
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Ai-je besoin de vous avouer qu’aucun cliché additionnel ne fut capté par mon Pentax ce soir-là ? Ces deux courtes minutes (une éternité pour LE photographe) livrées avec une telle finesse d’esprit m’ont fait réaliser à quel point cet homme transcende son personnage.
Belle anecdote savoureuse qui grandit Vigneault. En effet, il n'a pas jugé bon d'en remettre, il a quand même eu cette délicatesse à ton égard.
RépondreSupprimerEt la même chose s'applique à toi, Crocomickey, parce que tu sais bien reconnaître le talent et la personnalité d'un de nos grands poètes, conteurs, auteurs compositeurs interprètes.
Tes photos devaient être magnifiques aussi...
J'aurais bien aimé les voir, ces photos !
RépondreSupprimerEn passant, la belle-soeur de Gilles Vigneault était mon professeur en 5e année, à l'école des Saints-Anges, à Saint-Lambert... Pas croyable, hein ? :-)
@ Rosie : tu devrais écrire un livre là-dessus ! :-)
RépondreSupprimerComme si j'avais le temps d'écrire et le talent pour ce faire...
RépondreSupprimerUn jour, pourtant, je l'écrirai mon fameux livre parce que, crois-moi, j'en ai des choses à raconter ! :-)
En revanche, ces anedoctes n'intéressont probablement pas grand-monde... De la fiction, peut-être?