Mon ami Denys est un olfactif. Un talent rare. Quand on pense que l’Homme atteint son summum «renifleur » durant son enfance (cette assertion est prouvée scientifiquement), il faut bien reconnaître que les « nez » de ceux et celles qui en font un métier (les œnologues par exemple), font exception, ou encore qu’ils ont travaillé ce sens avec acharnement.
Il y a quelques années, j’ai suivi une série de cours d’initiation aux vins dispensé par une Amicale bien connue. Pour le deuxième cours, le prof Ugo nous présentait un outil didactique fort intéressant : une série de petits contenants renfermant chacun une arômes ou un parfum associé au vin. Cuir, caramel, framboise, abricot, vanille, paille, réglisse, café, cassis, chèvrefeuil, safran, poivre noir, cumin, champignon, gazon, cannelle et même pipi de chat (si, si !). En tout, une quarantaine de petits contenants avec l’identification cachée en-dessous.
Le truc était donc de tenter d’identifier ces odeurs, puis d’aller regarder la réponse. Un petit jeu fort étonnant et révélateur. La mémoire du nez faisait défaut chez les débutants que nous étions. Pour la plupart des odeurs, le parfum m’était connu, mais je n’arrivais vraiment pas à mettre un nom dessus. Même pour les évidences. Une fois la réponse vérifiée, la plupart d’entre nous s’exclamaient : mais oui, j’aurais dû savoir !
Durant la pause, j’ai fait un test révélateur avec trois participants. J’ai choisi une odeur " évidente ", à savoir la banane. Croyez-le ou non, mais j’ai obtenu comme réponses la pomme, la pêche et l’orange. Médusant, non ? Alors, imaginez la détection de ces odeurs lorsqu’elles ne sont pas concentrées et subtilement mêlées à d’autres parfums dans votre verre.
Mon ami Denys n’est pas œnologue et ne travaille pas dans une parfumerie. Mais sa vieille passion pour les vins lui a fait développer l’acuité de ses narines. Il m’a fait connaître de fort belles choses, sans pour autant jouer au gourou connaissant et incontestable. Sans non plus exhiber des bouteilles hors prix reflétant un statut social que nous n’avons, de toute façon, jamais eu. À la bonne franquette dirais-je, mais avec un sérieux reflétant sa passion.
Durant la douzaine d’années qu’il a vécue dans l’Ouest du pays avec Manon (Vancouver et Whistler), mes visites estivales annuelles donnaient lieu à de fort joyeuses agapes. Vous connaissez cette technique visant à faire tourner le vin dans le verre pour une meilleure aération afin que le liquide dégage totalement ses parfums ? J’arrive au but ultime de ma confidence …
Un soir à Whistler, peu avant minuit, nous sommes de retour à la maison. Fatigués par la journée, mais aussi éméchés par les vapeurs de l’alcool avec, en prime, une légère fringale. Je suis attablé avec Denys et Manon nous sert un grand verre de lait avec des cookies. Soudain, je n’en crois pas mes yeux : Denys saisit son verre de LAIT et commence à lui faire subir des cercles pour que le liquide blanc tourne dans le verre …
Saoul pas à peu près.
Aujourd’hui, le montréalais qu’il est redevenu refuse toujours de reconnaître cette vérité comique lorsque je la raconte … avec emphase gestuelle évidemment. Pourtant, j’étais là … et je n’avais pas la berlue !