mardi 13 avril 2010

Souvenir de Chartrand

Je viens tout juste d’apprendre le décès de Michel Chartrand, notre syndicaliste national. Mon souvenir perso de ce monsieur exceptionnel remonte à ses années de gloire alors qu’il pourfendait toute forme d’autorité dans ses discours parsemés de jurons, de blasphèmes ou de «sacres» pour rester dans sa ligne de pensée.

Septembre 70, je suis au cegep Ahuntsic à Montréal, fraîchement arrivé de mon village des Laurentides pour compléter mes études. La session vient à peine de débuter que nous sommes convoqués à l’agora pour une conférence de … Michel Chartrand, le célèbre et coloré personnage qui personnifie alors ce qu’est « la contestation ». Et laissez-moi vous dire que ce thème attirait son étudiant à l’époque précédant immédiatement la fameuse crise d’octobre au Québec.

La salle est pleine. Nous sommes près de 1000 jeunots à boire littéralement ses paroles souvent empreintes d’humour car il savait faire rire le monsieur, tout en étant sérieux dans ses propos. Un géant qui nous parlait avec le bon langage, les bonnes formules et la conviction qu’il nous fallait, nous, les «rebâtisseurs du monde» à l’époque.

Ça fait une bonne heure qu’il nous parle non-stop. Il nous demande alors s’il y en a dans la salle qui ont des questions à poser. Pas une seule main ne se lève. Nous sommes tous trop impressionnés pour «oser» lui adresser la parole malgré le fait qu’il soit si «proche» de nous autres.

Devant l’absence de mains levées dans la salle, il regarde sa montre et nous dit : « Bon ! Vous êtes pas très très curieux. Moi, j’ai un rendez-vous avec un exécutif dans deux heures. Ça fa que j’vas continuer à vous jaser pendant une autre demi-heure … ». Et il a poursuivi son spectacle à l’improviste pendant quelques minutes, jusqu’à ce qu‘un étudiant plus hardi lève sa main et lui adresse la première question. Les autres ont suivi, n’ayez crainte.

Quel diable d’homme, pourrais-je dire.

La dernière fois que j’ai vu Michel Chartrand, c’était il y a une dizaine d’années. L’octogénaire qu’il était se trouvait au lancement d’un livre sur lui écrit par Fernand Foisy et il signait des autographes. J’y étais avec ma presque-soeur Chantal (c'est elle qui m'a réveillé il y a 30 minutes pour m'annoncer le décès).

Quand ce fut notre tour, tout ce qu’il a trouvé à faire en signant le bouquin, ce fut d’adresser quelques mots à Chantal pour … la cruiser.

Cré Michel va !
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Et vous me permettrez d'ajouter que ... le bon Dieu n'est pas sorti du bois avec l'arrivée du bouillant personnage !

3 commentaires:

Zoreilles a dit…

Je viens aussi d'apprendre la nouvelle du décès de Chartrand. Avec lui, Bourgault et Falardeau, non, ils ne vont pas se reposer au paradis!

Ton souvenir rejoint le mien, il y a un peu plus d'une dizaine d'années. Le Théâtre du Cuivre était plein à craquer, 750 places, un soir de semaine, en plein hiver, on donnait ce qu'on voulait pour je ne me souviens plus quelle cause juste et noble qu'il épousait à ce moment-là, comme tout au long de sa vie.

Il nous a parlé des luttes sociales, du syndicalisme, de ne pas se laisser faire par les minières et les forestières, de la pauvreté, de l'environnement, de la dignité, du pouvoir des régions, de nos ressources, de la démocratie, de l'indépendance du Québec, de la place des femmes, toutes ces femmes qu'il avait en haute estime, et tout ça enrobé de son humour et son franc parler.

Je l'aimais, moi, Chartrand. Et je trouve qu'il a bien vécu.

Zoreilles a dit…

Il « habitait » la scène à lui tout seul ce soir-là. En feu. Je n'en revenais pas.

Barbe blanche a dit…

Il s'est tenu debout, tel un phare sur le cap, toute sa vie.
Adieu Michel Chartrand, ton oeuvre te survivra.