Je n'ai pas beaucoup voyagé dans ma vie, je l'admets volontiers. Je veux dire quitter le pays. Le Québec et ses régions, j'y suis allé fouiner presque partout. Mise à part une dizaine de séjours dans la Beautiful British Colombia, chez Denys et Manon (Vancouver) ou Jean-Louis et Marlene (Kelowna), je n'ai dans mon carnet qu'une brève virée d'une semaine à Paris en 95, au pays de mon ancêtre Honoré Danis, un voisin de Marguerite Bourgeoys en 1663.
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Pas question de vous narrer bêtement et platement l'itinéraire suivi dans la Ville-Lumière en vous décrivant Notre-Dame-de-Paris, Montmartre, les Champs-Élysées, le Louvre et autres majestueux emplacements. J'aimerais plus simplement vous transmettre en quelques mots (même si la chose est pratiquement impossible) le choc inattendu ressenti devant la Tour érigée par un monsieur répondant au nom de Gustave Eiffel.
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Bizarrement, dans les semaines de frénésie précédant le départ, la Tour ne figurait nullement sur le podium de mes priorités. Même en sachant fort bien qu'il s'agit du site toutistique le plus fréquenté de la planète, mes préférences allaient aux Champs-Élysées, à son Arc-de-Triomphe et, rock-and-roll oblige, à l'emplacement du Père Lachaise réservé au tombeau d'une idole de jeunesse, feu Jim Morrison le génial et grivois chanteur des Doors.
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En terminant un souper sympa dans un bistro de la place des Vosges, Denis et Jacqueline m'ont convaincu d'aller zieuter de plus près la Tour de monsieur Gustave. Descente dans le métro, sortie place Trocadéro un peu passé 20 heures. En tournant le coin d'une bâtisse, j'ai reçu le coup de masse ...
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Dans cette luminosité incertaine du crépuscule, le tableau m'est apparu : cette ligne qui pointe en rétrécissant vers le ciel à partir de ses quatres bases gigantesques, avec les parallèles de la Seine et de l'avenue Président-Kennedy et le fond de toile verdoyant des jardins du Champ-de-Mars.
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C'est à ce moment précis que j'ai compris parfaitement le sens de l'expression ... avoir le souffle coupé. J'ai accéléré le pas pour aller m'appuyer à la balustrade de la place Trocadéro, préférant m'éloigner temporairement de mes copains... à qui ma bouche bée n'aurait pu dire mot de toute façon. Comme si un coussin d'air séparait mes semelles du sol : flotter dites-vous ?
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Il m'est difficile d'expliquer le pourquoi de cette brève et intense béatitude. Un état de grâce, une parenthèse émotive devant la beauté. J'en avais la larme au coin de l'oeil. Quels mots utiliseriez-vous? Baver de bonheur ? Estomaqué ? Ébloui ? Je vous souhaite sincèrement à tous, si ce n'est déjà fait, de trouver au tournant de VOTRE chemin cette image qui VOUS jettera par terre en chamboulant VOS émotions. Moi, c'était la Tour de monsieur Gustave. Et vous?