samedi 12 mai 2007

Histoires de chasses ratées

Je ne suis pas chasseur, n’ayant tiré qu’un seul coup de fusil dans ma vie. Un essai banal sur une grosse bouteille de bière avec un «douze» et dont le principal souvenir réside dans la surdité temporaire qu’a dû subir mon oreille gauche. La bouteille s’en était sortie indemne, dois-je ajouter.

Mes bons amis Alex et Roger ne sont pas dans la même classe. Deux vrais passionnés de la chasse aux canards depuis … je ne sais plus quand. Les trois courtes anecdotes suivantes remontent au début des années 90 et elles sont authentiques.

À chaque année, quand l’automne se pointe, mes deux chasseurs ne se peuvent plus. L’OUVERTURE de la chasse aux canards ! Les préparatifs pour cette grande journée monopolisent leurs activités plusieurs semaines avant le jour J, notamment pour occuper « leur place » favorite en y érigeant la fameuse cache qui assure leur «privilège» de s’y installer.

Ma première expérience comme observateur (pas question que je tire quoi que ce soit) me fait tripper. Leurs si nombreuses histoires m’ayant mis l’eau à la bouche, je les accompagnerai donc pour ce jour majestueux.

Coucher la veille à Saint-Placide (Saint-Plâ pour les habitués) chez Alex qui demeure sur les rives du grand Lac. Levée des corps avant l’aurore. La chaloupe motorisée remplie d’appelants (les faux canards) qui vogue sur le Lac en pleine noirceur. L’arrivée sur la petite île où se trouve la cache. Installation des appelants à 30 mètres de la rive. Et l’attente.

Les premières lueurs arrivent. Magnifique spectacle du réveil de la nature. Attente aussi. Conversations chuchotées. Gorgées de café dans le thermos, poffes de cigarettes et encore l’attente. De temps à autres, au loin, quelques envolées de canards beaucoup trop éloignées pour tenter quoi que ce soit. Et l’attente qui se poursuit.

Vers onze heures, déçus – voire déprimés – nous allions retourner à la maison bredouilles lorsque jaillit l’explication de nos déboires : en allant pisser derrière la cache, Alex aperçoit quelques trente mètres plus loin un gros ballon de plage jaune avec la face de monsieur Sourire.

C’est l’évidence, aucun volatile sauvage voyant cette « tache » du haut des airs ne s’y serait aventuré. Conclusion de cette première randonnée : un gros coup de douze pour crever « l’esssti de ballon ». Et votre chroniqueur qui se bidonne tout le long du retour…

Épisode 2

J’y retourne l’année suivante mais plusieurs semaines après l’OUVERTURE où, paraît-il, les boys ont connu un grand succès ( heu hum … !!!). Cette fois-ci, même Lac mais sur la Pointe-des-Anglais. Fait plus frette fin-novembre. Pas de chaloupe requise pour aller sur la Pointe. Les appelants installés sur une très mince couche de glace, on réintègre la cache et l’attente recommence.

Rien d’énervant sauf quelques groupes de canards qui volent en rase-motte au milieu du Lac. Rien à faire sauf écouter les exploits antérieurs des chasseurs toujours chuchotés…

Fait clair. Le jour est arrivé. Soudain, j’aperçois sur ma droite … un canard. Oui. Oui ! Un vrai canard qui barbotte tranquillement sur l’eau. J’avertis les deux gars armés et l’observation s’amorce. Confirmation des experts : c’est un vrai canard ! La bête ne voit rien et continue d’avancer vers le devant de la Pointe et, donc, devant la cache.

Il est là devant nous, insouciant. Au signal, Alex et Roger se lèvent, mettent en joue et : Pan ! Pan ! Deux bruits presque synchronisés brisent le silence. La dépouille flotte. Chaloupe pour aller quérir le trophée. Je le palpe : il est encore chaud.

Ce fut l’unique succès de la journée. De retour à la maison, on plume la bête pour le souper (plutôt la petite entrée) du soir. Surprise : aucune viande ! Que la peau et les os. Conclusion : le canard fut blessé plusieurs jours auparavant et, ne pouvant voler, il errait sur la Lac en espérant qu’un chasseur mette fin à ses jours. Mettons que mes héros avaient la mine basse devant mon insistance à « vanter » leurs mérite d’avoir tué un canard…suicidaire !

Épisode 3

Capsule suivante lors d’une année subséquente. Expédition sur une autre île du Lac des Deux-Montagnes (l’île Rochon ou Charron me semble-t-il). Évidemment que je barbe un peu (beaucoup) les carabiniers. Mais cette fois, j’ai vu. Oui j’ai vu un canard se diriger vers la gang d’appelants, s’en approcher au ralenti et commencer à battre des ailes à la verticale pour se poser sur l’eau à trente mètres de mes yeux.

Alex et Roger se dressent, visent et Pan ! Mais où est la bête ? Oups ! La voilà un peu plus loin qui refait surface. Le canard n’est que blessé mais ne peut re-décoller. Nouveau coup de feu. La bête ressort la tête trente secondes plus tard mais plus loin. Mes chasseurs frustrés embarquent dans la chaloupe et ratissent le coin.

Oups ! La bête refait surface sur la gauche. Coup de feu … inutile. Pas de carcasse flottante. Quinze minutes plus tard, la chaloupe qui vogue au ralenti est rendu à deux-cent mètres de la rive, les chasseurs toujours à l’affût de l’oiseau.

Je prends les jumelles pour les observer et … j’aperçois le canard blessé tout près de la rive. J’ai beau m’époumonner pour leur faire comprendre de revenir : ils sont trop loin. Retour au foyer, encore bredouilles mais les oreilles pleines de mes sarcasmes.
Je n’y suis jamais retourné. Peut-être que j’apportais la … poisse. Mais j’en ris encore !

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