mardi 24 février 2009

Être un rejet

Depuis une dizaine de jours, les médias traitent beaucoup du sujet suite à la disparition, en région, d’une jeune ado qu’on disait harcelé, honni et même violenté par les jeunes écoliers de son village. Le phénomène du rejet, ses causes et ses conséquences ont donc fait l’objet de nombreux reportages. Même la ministre de l’Éducation est intervenue pour dire que son Ministère avait les informations et qu’il s’apprêtait à réagir et bla bla bla,, voire la politique dans toute sa splendeur d’inefficacité.

Au primaire, j’avais plusieurs variables qui aurait pu me rendre « rejet » dans mon petit bled à Thurso dans l’Outaouais. Premier de classe (quasi perpétuel), très bon (sinon le meilleur) dans plusieurs sports et soliste numéro Un de la chorale de 80 chanteurs. Talents variés, pourriez-vous dire. Quasiment nerd. Pourtant, jamais n’ai-je été le rejet.

Je ressentais certaines jalousies, bien sûr, mais j’avais ma gang, mes amis, mes voisins et donc, je n’étais pas isolé. En y repensant, je pense à ce correctif qui a peut-être arrangé les choses. Le talentueux-dans-toutt était très très ordinaire dans quelque chose de très important = le hockey. Mettons que ça compensait pour les honneurs ailleurs. Il y avait un gars nommé Guy Lafleur et plusieurs autres boys qui m’étaient vraiment supérieurs et je ne pouvais que l’accepter. Bref, j’étais dans la gang et, un vrai coéquipier dans la vie.

Pour la huitième année (le secondaire un de l’époque), mes parents m’envoient (contre mon gré) pensionnaire au Séminaire Montfort, à une trentaine de milles de chez nous. Cours classique et orientation souhaitée mais non obligatoire vers la prêtrise. On revient à la maison 5 jours début novembre (pour la Toussaint), deux semaines pour les Fêtes, 5 jours à Pâques et … 10 semaines pour les vacances d’été. Vraiment pas drôle pour un kid de 13-14 ans.

Cette huitième année (Élément Latin) s’est quand même bien déroulée. Nouvelles habitudes, nouveaux chums, vie communautaire : faut s’y faire. Oubliez les dangers homosexuels avec les Pères, je n’en ai jamais été témoin.

1966. Deuxième année au Séminaire (Neuvième année ou Syntaxe du cours classique ) : l’arrivée d’un nouveau pensionnaire qui arrive de Louiseville. Un gars flamboyant, costaud, les cheveux plus longs que la moyenne, grande gueule et drôle avec, en surplus, une réputation de dur qui arrive d’un collège qui l’a expulsé. Bref, tous les éléments pour devenir une star dans la place. Ce qu’il est rapidement devenu.

Pour dire franchement, j’ai fait partie de ses admirateurs. J’aimais son côté rebelle et les paroles des chansons des Beatles, qu’il connaissait par cœur et nous en refilait en cachette les copies sur papier. Un leader quoi !

Mais après quelques mois, le leader n’est quand même pas parfait. Des idées et des positions pas évidentes. Des gestes discourtois et baveux vis-à-vis des plus faibles. Bon. Prendre ses distances de la bibitte.

Et ce jour J ou le mec n’accepte pas mon opposition, m’engueule devant les autres et, devant ma résistance, saute sur moi … Mal lui en pris, deux ou trois coups de poings sur la gueule et voilà la vedette étendue KO. Ses disciples le relèvent et s’amorce alors … le boycottage total du mouton noir que j’étais devenu à ses yeux.

Les périodes hors-classe (récré-réfectoire-sports et autres activités) j’étais seul, ou presque. Deux amis (Lamarche et Galipeau) venaient quand même me parler, malgré les invectives du groupe. Et j’entendais toutes ces insultes et quolibets émanant de la grosse gang autour du grand leader dans la cour arrière. Pas question d’aller brailler au directeur, ça serait pire ! Le soir, tu retournes pas chez vous avec tes parents et tes frères ou sœurs = t’es au Séminaire et tu t’en vas au dortoir. Tous ceux de ton niveau te regarde avec un air haineux. Tu essaies de les ignorer mais c’est pas facile. Essaye de dormir avec ces idées-là qui roulent dans ton cerveau …

Dix jours de ce régime et je me suis enfui. Dans la noirceur de février, après le souper, j’ai marché quelques kilomètres dans la forêt, me suis retrouvé sur la route et j’ai fait du pouce jusqu’à mon village. Parents catastrophés, bien sûr. Qui me retournent le lendemain au Séminaire.

Le lendemain : Répétition ! Je me cache et retourne en forêt. Le pouce levé jusqu’à mon village 25 milles plus loin. Quand j’y pense aujourd’hui, fallait que le Ti-Cul de 14 ans ait son kliss de voyage pour retrouver en lui le courage d’affronter la nuit et les éléments de la sorte.

Je suis retourné au Séminaire et cette crise s’est résorbée. Mais, quelques semaines plus tard, mon père est venue me chercher pour mon plus grand bonheur et ma réintégration au Secondaire « normal » dans mon village. J'ai d’ailleurs glissé un mot sur cette merveilleuse journée ICI.

Rejet pour deux semaines. Deux semaines de trop. Et tout ça pour l’orgueil blessé d’un conard charismatique frustré. Vous imaginez mon angoisse d’alors ? Et tout ça n’est vraiment rien comparé à ce que vit ce jeune David Fortin d’Alma, même âge (14 ans). Mais lui n’est pas retourné à la maison … et souhaitons fort qu'il soit en vie.

8 commentaires:

Unknown a dit…

Ho ! Tout un article, j'ai moi-même été victime de la cruauté des autres enfants a l'école comme probablement plusieurs d'entre-nous. Mais un jour j'en ai eu assez et il y en a un qui a écopé, devant les autres en assènant une raclée a ce voyou jamais plus j'ai été embêté. C'est probablement pas la solution idéale mais ça a eu son effet disuasif pour quelques années. Bonne chance a nos jeunes.

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
TaLou a dit…

J'étais au centreville aujourd'hui.... je l'ai cherché du regard. J'aurais tant aimé le trouver le réconforter, lui redonner espoir.

MOi aussi j'ai été une victime à l'adolescence. Mes meilleures amies me harcelaient, me disant que j'étais laide et stupide...

Que de dommage aux petites âmes si fragiles à cet âge.

Je souhaite ardemment qu'on retrouve le petit David Fortin...

crocomickey a dit…

@ Lou

La preuve que les ados sont ... raisins. Tu étais tellement belle et allumée. Quasiment envie de placer une photo de la jeune poupoune ...

TaLou a dit…

On se calme le pompon pour la photo frèrôt?

Merci pour tes bons mots... Aujourd'hui je sais... mais back then, comme disent les anglais, c'était pas évident!

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Quel article, vieille branche ! Ouf...
Cependant, comme l'écrit The Surveyor, je crois que nous avons tous été victimes de harcèlement dans notre enfance ou au cours de notre adolescence. Dans mon cas, j'étais maigre comme un chicot (cache des os, mon chien s'en vient, me criait-on souvent) et de plus, ma mère était (et est toujours) anglophone. J'en ai bavé, mais bien que les adore, je crois qu'il n'y a personne de plus cruel qu'un enfant.

Et comme le dit si bien ta soeur, je souhaite également du plus profond de mon coeur qu'on retrouve ce petit mpusse sain et sauf.

Hé misère...

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Mousse, voulais-je écrire, mousse... Bordel...

Anonyme a dit…

Ca ma fait penser au film que j'aavais vu en séances de ciné club dans les années 1970 :

"Les Désarrois de l’élève Törless"
(Der junge Törless)

Réalisateur: Volker Schlöndorff, 1966, 85 min., n&b, 16mm, avec : Mathieu Carrière, Marian Seidowsky, Bernd Tischer, Fred Dietz. En allemand avec sous-titres français.

Basé sur le roman du même titre de Robert Musil (1906), dans lequel Schlöndorff a reconnu les signes avant-coureurs du fascisme, Les Désarrois de l’élève Törless a contribué à lancer le Jeune cinéma allemand. Le jeune Törless est envoyé par ses parents dans un pensionnat où l’on doit faire de lui un membre utile de la société. Il y fait la connaissance de trois camarades, Beineberg, Reitling, et Basini, et devient rapidement témoin de différentes formes d’humiliations, d’avilissement et de torture. Pour l’observateur passif qu’est Törless, le spectacle de la torture de Basini soulève plusieurs questions théoriques et philosophiques sur la vraie nature des humains et la séparation du bien et du mal. Törless, le premier film de Schlöndorff, remporta le Prix du Cinéma allemand en 1965, ainsi que le Prix de la critique internationale au Festival de Cannes en 1966.

Michel